L’Harmonie est un état de paix et d’équilibre, un état libre de tout conflit. L’harmonie nourrit et permet la croissance. Quand l’harmonie est présente, aucun dommage n’est créé. J’aimerais focaliser ce propos sur un élément en particulier, et qui souvent rompt l’harmonie – la Colère, en particulier la colère en réaction à l’injustice.
Face à une injustice, la colère est-elle nécessaire pour engendrer le changement que nous souhaitons voir arriver ? Beaucoup de gens pensent que sans la colère, il n’y aurait pas d’élan suffisant pour porter l’attention, la conscience sur le sujet et ainsi initier un changement. Ils pensent ainsi que la colère est nécessairement le premier pas vers le changement. Certains croient aussi que la colère est nécessaire pour se protéger quand nous sommes attaqués, menacés. Cela transforme la peur en une force dont nous avons besoin pour répondre.
Leur point de vue est compréhensible car après tout, la colère est probablement la réponse la plus commune à l’injustice, et cela semble si naturel de réagir ainsi. Mais la colère est-elle si nécessaire et si naturelle qu’on pourrait le penser au premier abord ?
Regardons les causes de la colère sur trois niveaux :
1/ Comme un instinct de la nature humaine.
Comme bien des émotions négatives, la colère est instinctive. En d’autres termes, nous sommes tous nés avec la capacité d’être en colère.
2/ Comme un schéma (conditionnement) au niveau du comportement.
La façon dont nous grandissons déterminera si cet instinct sera transformé et dépassé/transcendé ou bien au contraire renforcé. Par exemple, si un enfant est élevé dans un environnement sûr et nourrissant, et qu’il apprend des stratégies pour faire face à la vie sans colère, cet instinct pourrait graduellement s’éteindre. Au contraire, si un enfant est élevé dans un environnement où la colère est une façon ordinaire pour réagir, cet instinct sera vraisemblablement renforcé et deviendra un schéma établi.
3/ Comme le résultat des schémas de la conscience.
Si nous regardons plus profondément au sein de ce schéma de réaction qu’est la colère, nous verrons qu’il existe encore d’autres schémas derrière cela. En d’autres termes, la colère elle-même est le résultat de schémas nocifs qui sont déclenchés préalablement. En général, il existe bien d’autres schémas qui sont impliqués.
Les points cités ci-dessus devraient suffire à expliquer pourquoi cela semble si naturel d’être en colère. Cela est naturel car nous réagissons avec des instincts naturels. Pour aller plus loin, quand des schémas sont actifs, ils peuvent être ressentis comme nos instincts naturels : quand les schémas sont nocifs nous sommes en mode auto-pilotage. La conscience a besoin de très peu de temps pour traiter l’information et ainsi les réactions sont déclenchées instantanément. Pour ainsi dire, il n’existe aucune action consciente pour considérer et traiter l’information et pour observer les actions possibles quant à nos réponses. C’est pourquoi la colère semble émerger immédiatement aussitôt que les schémas sont déclenchés. C’est comme une action réflexe qui peut être perçue comme ‘naturelle’ pour nous. C’est comme faire du vélo, une fois l’expérience effectuée de nombreuses fois, nous sommes habitués et cela semble très naturel. Nous pouvons même dire que les schémas sont devenus notre ‘seconde nature’.
Au sein de REN XUE, la colère est vue comme une émotion négative ou nocive, non pas qu’elle soit moralement mauvaise, mais parce qu’elle engendre toutes sortes de dommages sur la vie. Je fais référence ici à la relation cause/effet, plus qu’à un jugement moral. Les dommages causés sont le résultat de la violation de la loi de la vie et de l’Univers. Quand nous vivons contre cette loi, l’équilibre est rompu et le déséquilibre se manifestera comme un dommage sur le Qi et la vie. C’est ainsi que les lois fonctionnent. Ainsi, au sein de REN XUE, nous ne condamnons ni ne nions la colère ou toutes autres émotions négatives. Pas plus que nous ne glorifions la colère comme quelque chose de nécessaire ou de naturel car non seulement cela ne reflète pas la réalité mais parce que cela pourrait créer un boulevard pour justifier la colère. Nous la voyons donc pour ce qu’elle est et nous essayons de la comprendre – d’où elle vient et ce qu’elle fait à la vie – et comment la transformer. Nous reconnaissons la colère ou toutes autres émotions négatives, et nous les utilisons comme pour en connaître les causes et travailler dessus et comme des voies vers notre Soi profond. Elles sont donc des opportunités importantes pour le développement.
La justice est une valeur morale : être traité de façon juste et correcte. Elle peut être vue comme une qualité de l’Univers car la loi de l’Univers est de favoriser l’équilibre et le développement continu de tout ce qui est dans l’Univers. Il s’agit donc d’une qualité inhérente à la nature humaine. Le cœur est un lieu important pour manifester la nature humaine, et il y parvient en manifestant ses qualités naturelles que sont les cinq qualités essentielles du cœur (confiance, ouverture, amour, gratitude, Gongjing – Vrai Respect). La justice est d’ailleurs étroitement liée aux qualités essentielles de confiance, d’amour et de vrai respect. Le besoin de réaliser cette valeur sociale de justice est donc profondément enraciné dans l’Univers et dans la nature humaine, et tout particulièrement le cœur.
J’espère que ces explications ont pu vous aider à comprendre pourquoi nous réagissons à l’injustice avec colère. L’injustice touche ce que nous considérons comme nos valeurs essentielles, ainsi la colère peut être déclenchée instinctivement. La colère comme schéma de réaction peut jouer un rôle là-dedans, et d’autres schémas sous-jacents de la conscience – comme les attentes figées et la vision polarisée/duelle des choses – peuvent aussi y contribuer significativement.
Existe-t-il d’autres façons de répondre à l’injustice sans réagir avec colère ? Par exemple, pouvons-nous trouver des voies qui non seulement éviteront les dommages causés par la colère mais aussi traiteront les causes de l’injustice et créeront des changements positifs. REN XUE propose la sagesse comme approche globale. Nous utilisons la sagesse pour 1) transformer l’instinct de colère, 2) transformer les schémas nocifs aux niveaux du comportement et de la conscience, et 3) pour comprendre l’injustice et guider nos actions afin de créer des changements positifs. Cette approche est conduite par le cœur, tout particulièrement par les cinq qualités essentielles du cœur.
Dans mon enfance, j’ai moi-même beaucoup expérimenté la colère comme réponse à l’injustice. J’ai grandi dans un environnement avec beaucoup de colère autour, à la fois exprimée et aussi contenue. La vie était remplie de difficultés, et je me suis souvent senti maltraité. J’ai appris à réagir à l’injustice que je subissais avec la colère. Au fil du temps, réagir avec colère était devenu un schéma, et la plus grande partie de cette colère était contenue, rentrée. Comme enfant, je ne savais pas comment guérir ces blessures, donc quand la colère montait jusqu’à un niveau insoutenable, je devais trouver une façon de l’évacuer. Une façon était de ‘rendre justice’ en ‘disciplinant’ les brutes de l’école de façon violente. Ironiquement, mon ‘action disciplinaire’ a été assez efficace : peu de temps après qu’elle est démarrée, mon école était devenue libre de harcèlement et de brutalité. Elle est resté ainsi tout au long des années où j’y étais. Ce fut seulement quand j’ai grandi que j’ai réalisé que j’avais tort d’utiliser la violence pour arrêter la violence et que j’agissais ainsi pour apaiser la douleur que je ressentais intérieurement.
Évidemment, ce comportement n’a pas guéri mes blessures, pas plus que cela n’a changé le schéma de la colère. Ce fut seulement quand j’ai commencé à travailler sur les schémas sous-jacents, tels que la “négativité” et “éviter et se cacher“, que j’ai commencé à guérir. Ce fut un processus relativement lent jusqu’à ce que je commence à travailler sur mon cœur et que je réalise des avancées majeures en restaurant les qualités du cœur. La confiance fut reconquise, et l’amour a dispersé la colère et le ressentiment. Le progrès sur mon cœur a accéléré les progrès expérimentés sur la transformation des schémas nocifs. J’étais de plus en plus capable de suivre la sagesse de mon Vrai-Soi et de voir la réalité de plus en plus clairement. La colère n’était finalement plus un problème pour moi.
Ayant traversé ce processus de guérison, je suis venu à réaliser que la colère est une forme d’agression, qui nous nuit et nuit au monde. Elle ne rend justice à personne. Elle conduit à blâmer, à rendre l’autre coupable et invite en retour à une réponse de colère et à rendre coup pour coup. Nous pouvons transformer le monde sans être en colère. Il est préférable de revenir à notre sens de la responsabilité dérivée de la compassion et de l’amour. Pour travailler sur la colère, il est nécessaire de soigner nos blessures en travaillant sur le cœur et sur les schémas nocifs. En voyant l’injustice, nous avons l’opportunité d’y faire face et de transformer la colère et de changer le monde en utilisant nos ressources internes, tout particulièrement les qualités essentielles du cœur et la sagesse de notre Vrai Soi.
Yuan Tze