Yuan Tze – Message PL Juillet 2023

Chère famille REN XUE,
Vous sentez-vous parfois pris au piège ? Nous pouvons facilement nous sentir ainsi lorsque nous essayons de comprendre quelque chose, ou simplement dans la vie en général. En chinois, nous appelons cela “aller tout droit au bout de la corne“. Il y a de l’espace partout et nous pouvons aller où nous voulons. Mais on va à l’intérieur d’une corne puis tout droit à son extrémité et nous y restons bloqués. Plus nous nous débattons, plus nous nous y enfonçons. Nous ne pouvons pas bouger et nous nous sentons étouffés. Nous ne voyons pas comment sortir et nous tombons dans un grand désespoir.
L’un des principaux ingrédients de ce phénomène est la pensée polarisée, c’est-à-dire l’incapacité à voir au-delà de deux extrêmes. Quelque chose est soit bien, soit mal, soit un succès, soit un échec, soit une victoire, soit une défaite, soit une perte, soit un gain.
Parlons de la perte et du gain. Il n’est pas surprenant qu’il s’agisse de l’une des principales considérations dans la vie. Nos ancêtres devaient constamment lutter pour leur survie. La perte pouvait signifier la perte de leur propre vie ou même de celle de leurs proches. La victoire n’était pas seulement un sentiment agréable, c’était une nécessité. Il n’y avait guère d’options intermédiaires. Se préparer à la prochaine bataille, que ce soit contre les éléments naturels ou contre d’autres êtres humains, était naturellement au centre de leur conscience.
Aujourd’hui, même si nous ne vivons plus dans la jungle, cet instinct de survie demeure. Nous parvenons à faire de la vie un champ de bataille. Tout est pesé pour évaluer si nous sommes du côté des gagnants ou des perdants. Nous nous battons pour rester du côté gagnant afin de nous rapprocher de plus en plus de la victoire ou du succès. Nous sommes toujours à la recherche de la prochaine chose à acquérir ou à réaliser. Nous nous comparons aux autres pour nous assurer que nous faisons mieux qu’eux. Nous nous sentons heureux lorsque nous obtenons ce que nous voulons. Ce n’est pas grave si ce bonheur est de courte durée, tant que nous pouvons conserver l’avantage. Nous avons tellement peur de la perte : perte de richesse, perte d’opportunité, perte de ce que nous avons accompli, perte de l’admiration des autres, perte de la jeunesse, perte de la santé, perte de la vie. Chaque fois que quelque chose ne se passe pas comme nous l’avions prévu, c’est considéré comme une perte. Des efforts incessants sont nécessaires pour s’accrocher à ce que nous avons. Lorsque nous perdons quelque chose, nous avons l’impression que c’est la fin du monde. Nous nous sentons blessés. Nous sommes déçus et frustrés. Nous sommes en colère. Nous faisons ce que nous pouvons pour récupérer ce que nous avons perdu ou pour trouver quelque chose d’autre pour compenser. La perte est tout simplement inacceptable !
Il n’est pas étonnant que nous soyons si facilement stressés ! Chaque petite chose peut devenir un facteur de stress lorsque nous craignons tellement la perte. Nous développons toutes sortes de mécanismes d’adaptation pour éviter la perte. Nous devenons obsédés par le contrôle ou perfectionnistes. Nous imaginons le pire scénario possible et nous sommes effrayés avant même de commencer à faire quelque chose.
 
Lorsque nous avons une vision aussi polarisée de la perte et du gain, nous perdons tout ce qui a vraiment de la valeur dans la vie : la confiance, la joie de vivre chaque instant présent, la santé et la possibilité de grandir. Et que gagnons-nous vraiment ? Rien.
Mais notre perception de la perte et du gain reflète-t-elle vraiment la réalité ?

Vous avez peut-être entendu l’histoire du vieil homme qui a perdu son cheval. Écoutons-la encore une fois.
Près de la frontière nord, à côté de la Grande Muraille, vivait un homme qui était versé dans les arts liés à l’astrologie et à la prédiction de l’avenir. Un jour, son cheval s’enfuit chez les nomades de l’autre côté de la Grande Muraille. Les gens essayèrent de le réconforter. Mais il disait : “N’est-ce pas une bénédiction ?” Quelques mois plus tard, son cheval revint à la maison, accompagné de quelques autres beaux chevaux appartenant aux nomades. Les gens le félicitèrent. Mais il se dit : “N’est-ce pas un malheur ?” Comme il y avait à la maison un bon nombre d’excellents chevaux, son fils s’intéressa à l’équitation. Un jour, il tomba et se cassa la jambe. Les gens essayèrent de réconforter le père. Mais il dit : “N’est-ce pas une bénédiction ?” Un an plus tard, les nomades franchirent la frontière et envahirent son pays. Tous les jeunes hommes en bonne santé ont dû faire la guerre et la plupart d’entre eux sont morts. Son fils n’a pas eu à partir parce qu’il était handicapé. Il a pu vivre.
 
Lao Tseu a également bien exposé ceci dans son livre le Dao De Jing : « un malheur peut engendrer une grande fortune ; une grande fortune peut être le terreau d’un malheur ». Il n’y a pas de perte ou de gain réel dans la vie. Ce que nous percevons comme une perte ou un gain n’est que l’activité de nos instincts de survie et des schémas qui y sont liés. Si nous transformons tout ce qui arrive dans la vie en une occasion de nous rapprocher de notre Vrai Soi, tout sera un gain, un vrai gain. Lorsque nous aurons atteint le Vrai Soi, nous verrons enfin que le Vrai Soi est déjà complet. Il n’y a pas besoin de gagner quoi que ce soit et il n’y a rien à perdre. Nous ne serons plus piégés. Nous sommes libres.

 
Yuan Tze.

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